mardi, février 07, 2006

Détournement de BD

26 septembre 2005

( le texte qui suit a été publié dans La Presse, le 25 septembre 2005, en page A-13, le titre et les sous-titres ont été choisi par eux )

Dans un article paru mercredi le 24 août dans La Presse sous la plume de Mario Girard et portant sur l’utilisation usurpée de personnages de bandes dessinées comme Batman dans des scénarios pornographiques, j’ai été surpris de lire les propos d’un professeur d’université ontarienne affirmant que Disney réagirait vigoureusement par des menaces de poursuites judiciaires si quiconque s’aventurait à exploiter ses fameux personnages dans de tels scénarios.

Je suis d’autant plus interloqué que depuis quelques années, on assiste à une croissance phénoménale dans l’exploitation de tous ces « personnages de cartoons » sur des milliers de sites pornographiques sur le web. De Donald Duck aux Simpsons, en passant par Mickey Mouse, Cendrillon, les Flintsones ou Pokemon, tous ces héros y sont reproduits dans des scénarios pornographiques, pédophiles et incestueux. Voilà pourquoi il me paraît important de relever une telle affirmation alors que la réalité me semble à l’opposé, d’autant plus que les dangers qui en découlent sont considérables à plusieurs niveaux.

Binettes sympathiques

Car il est indéniable qu’en reproduisant ces binettes sympathiques, les pornocrates arrivent à faire passer l’imagerie porno comme un univers enjoué, à la fois agréable et désirable aux yeux des enfants qui y retrouvent leurs amis, quoique dans une gestuelle bien différente.

À titre d’exemple, on a tous l’image d’une Blanche-Neige douce et gentille, un modèle de bonnes manières à qui toutes les petites filles rêvaient de ressembler. Imaginez l’impact quand on la retrouve toute nue, les quatre fers en l’air, s’efforçant de faire le bonheur des sept nains à la fois ; cela va au-delà du choc culturel!

Il y a tout évidemment risque de créer une distorsion dans les notions de bien et de mal des enfants qui se mirent dans les gestes de leurs héros car, d’après eux, ceux-ci ne sauraient être délinquants et encore moins des êtres dépravés. C’est dire que dans leur petite tête, si Blanche Neige ou Donald s’amusent entre eux avec leurs organes génitaux, pourquoi ne pourraient-ils pas en faire autant?

Il faut souhaiter bonne chance aux parents qui auront à départager les bons des mauvais gestes de leurs idoles. D’ailleurs, comment s’étonner qu’à l’orée de leur puberté, le seuil de tolérance des ados face au sexe oral en soit venu à considérer davantage la fellation comme un geste de socialisation (une chose à faire pour être cool, pour se faire accepter de la gang) qu’une caresse intime et significative, un « cadeau » réservé dans le contexte d’une relation privilégiée. Ici comme ailleurs, on assiste à une dérive des valeurs sous prétexte d’être à la mode ; reste à voir jusqu’où cela va nous mener.

Joie et allégresse

Autre distorsion toute aussi sérieuse facilitée par l’atmosphère enjouée de la bande dessinée, c’est qu’en présentant le tout dans un contexte aussi léger, il devient facile pour les auteurs de suggérer que ces contacts sexuels, y comprises les dimensions pédophiliques qu’on y présente, se déroulent toujours dans la joie et l’allégresse. Non seulement y montre-t-on des enfants qui y prennent plaisir, mais on laisse entendre qu’ils les désirent, allant même jusqu’à les solliciter en séduisant les adultes de leur entourage. Or puisque c’est justement l’un des prétextes souvent utilisés par les pédophiles qui prétendent qu’ils ne sont pas des agresseurs, il y a tout lieu de s’inquiéter qu’on propage de telles faussetés sous le couvert de la frivolité.

D’où la pertinence de se demander comment il se fait que les créateurs et/ou les maisons d’éditions qui, j’imagine, doivent détenir certains droits sur ces « personnages », ne réagisse pas plus vigoureusement face à de tels plagiats, surtout dans une utilisation aussi subversive de leur propriété ? C’est à n’y rien comprendre. Jamais je ne croirai qu’ils n’en savent rien. Alors, est-ce à cause de complexités juridiques qui rendent la chose à toute fin pratique infaisable ? On n’ose croire que ce soit parce qu’il y a tellement d’argent impliqué que certains intérêts arrivent en conflit ?

Quoiqu’il en soit, il est primordial que les parents sachent que la porno se retrouve sur des sites où on l’y attendrait le moins. Pire encore, qu’on l’y présente de la façon la plus insidieuse qui soit, c’est-à-dire sous les traits souriants des grands amis de leurs tout petits. Il y a donc péril en la demeure.

Mais surtout, du moins jusqu’à preuve du contraire, je ne vois pas comment on peut affirmer que les promoteurs de ces sites s’attirent les foudres de qui que ce soit. On a plutôt l’impression qu’ils encaissent les profits en toute impunité car, à voir le rythme auquel ils se multiplient, ils ne semblent pas sentir le besoin de se rétracter.

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